1969-2019, la trajectoire à succès de l’EPFL
Quand Maurice Cosandey prend la direction de l’Ecole polytechnique de l’Université de Lausanne (EPUL), le 1er avril 1963, il ne plaisante pas. Il n’a pas de stratégie, mais il annonce un objectif: “Faire de cette école cantonale une école polytechnique fédérale”. Six ans plus tard, l’EPUL devient l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), deuxième du pays à porter ce qualificatif après celle de Zurich. Bien que son histoire remonte au milieu du XIXe siècle, l’EPFL fêtera ses 50 ans de fédéralisme en 2019. C’est l’occasion de regarder dans le rétroviseur et de constater que tout a changé et… rien n’a changé.
De l’Ecole spéciale de Lausanne, née en 1853, il reste les noms Ecole et Lausanne. Pourtant dès le départ, ses cinq fondateurs ont pour ambition l’excellence et le rayonnement au-delà des frontières de la capitale vaudoise. Ils souhaitent « former en Suisse de bons ingénieurs ». En effet, les enfants de la deuxième révolution industrielle, qui a vu naître l’électricité et la chimie, sont jusque-là obligés de fréquenter les grandes écoles françaises ou allemandes. Rapidement, l’Ecole acquiert la réputation d’être “une institution difficile et sélective ”, reflet de sa qualité. Les premiers diplômes sont décernés en 1855, quelques semaines avant l’ouverture de l’Institut polytechnique de Zurich…
Une vieille idée
Pour justifier un statut fédéral, Maurice Cosandey affiche les mêmes arguments : “ Le développement international des universités techniques. On voyait que tout le monde avait besoin de laboratoires nouveaux, d’équipements techniques. Je me disais que si on ne devenait pas une école fédérale, on n’aurait jamais les moyens pour être compétitif ”, se souvenait l’ancien président dans EPFL Magazine, en octobre 2016.
Mais la partie n’est pas gagnée: en 1903 déjà, Adrien Palaz, directeur de ce qui s’appelait encore l’Ecole d’ingénieurs de l’Université de Lausanne, lance l’idée. En 1934, l’Ecole tente d’obtenir des crédits de la Confédération. Refusés. Il faudra deux bonnes fées, cantonale et fédérale, pour que Maurice Cosandey réussisse. Avec le conseiller d’Etat Jean-Pierre Pradervand, ils prennent leur bâton de pèlerin, direction Berne. Au Schweizerhof, de façon informelle, ils exposent leur projet au conseiller fédéral Hans Peter Tschudi. “Je vais vous appuyer dans cette demande en raison de l’excellence de votre Ecole ”, conclut le chef du Département fédéral de l’intérieur.
Un « instant historique »
En 1968, les deux chambres du Parlement acceptent à l’unanimité la création d’une seconde EPF. La même année, les députés vaudois avalisent le transfert à la Confédération à l’unanimité. “Réflexion faite, c’est plutôt un sentiment de fierté qui nous habite en cet “instant historique ” (…) Car enfin, même si elle n’est plus strictement vaudoise, l’EPFL – c’est son nouveau sigle – reste à Lausanne. Il ne fait aucun doute que le “Poly ” a été l’un des éléments déterminants dans le développement de l’agglomération zurichoise; il serait vraiment étonnant qu’il n’en aille pas de même pour la région lausannoise ”, commentait le journaliste Jean-Bernard Desfayes, dans La Gazette de Lausanne du 8 mai 1968. L’EPFL naît officiellement le 1er janvier 1969.
On connaît la suite. Le statut fédéral entraîne l’agrandissement, la construction de bâtiments pour plus de 700 millions de francs (de l’époque) et le déménagement progressif de tout l’enseignement à Ecublens. Parallèlement, chaque président ajoute sa pierre à l’édifice. Devenue polytechnique en 1946 avec l’arrivée de l’architecture, l’Ecole ne se cantonne déjà plus à la formation des ingénieurs. S’ajouteront l’informatique, la microtechnique, les systèmes de communications, les sciences de la vie et deux collèges. Parallèlement, l’EPFL ancre son assise en Suisse romande avec la création de sites à Genève, Fribourg, Neuchâtel et en Valais.
En plongeant dans les archives de l’Ecole et de la presse de l’époque, on se rend compte encore que la plupart des préoccupations et constats d’aujourd’hui ont toujours été présents : la place des femmes, la responsabilité sociale de l’ingénieur face aux nouvelles technologies, l’éthique, l’enseignement des sciences humaines, le positionnement par rapport à la sœur zurichoise, les relations avec l’industrie, les financements public et privé, la coopération, une forte présence d’étudiants et de professeurs étrangers, la recherche fondamentale, la place de la science et le rôle de la technique dans la société, l’intégration dans le tissu local… Sans doute une part de la recette de son succès.
Tout change, rien ne change. Au fil de ses cinq appellations et de ses 16 présidents, l’Ecole poursuit de façon exponentielle ses ambitions originelles d’excellence et de rayonnement. Objectifs largement atteints puisque l’EPFL figure aujourd’hui parmi les meilleures universités du monde.
Article paru dans EPFL Magazine 20 (Octobre 2018)
Par Anne-Muriel Brouet