50 ans d’innovation
Article paru dans EPFL Magazine 30
Par Cécilia Carron
Une spin-off de l’EPFL sur cinq connaît une phase de développement très rapide dans les cinq ans suivant sa création. Une sur 10 passera la barre des 350 employés. A l’occasion des Journées de la Vice-présidence pour l’innovation célébrant le 50e anniversaire de l’EPFL, les 19 et 20 novembre prochain, le dossier d’EPFL Magazine explore l’écosystème des start-ups et les soutiens à l’entrepreneuriat. Le risque entre dans les mœurs, mais les écueils restent nombreux.
Développer une technologie de pointe, croître rapidement, générer d’importants revenus, le destin de la start-up semble inhérent à sa définition. Dans l’imaginaire populaire, les gros succès de la Silicon Valley sont en point de mire. En Suisse romande et plus particulièrement à l’EPFL, la culture entrepreneuriale a clairement pris racine et davantage d’étudiants envisagent de démarrer leur carrière en créant une entreprise. En atteste notamment le nombre de demandes pour des aides de démarrage ou des locaux.
Sur le campus, environ 20% des jeunes pousses passent le cap de la scale-up, synonyme de démarrage rapide – 20% de croissance par an sur trois ans et plus de 10 employés – et 10% atteignent le stade des 350 à 400 employés. Kandou, Anokion, Nexthink, Frontiers, pour n’en citer que quelques-unes, ont allégrement passé ce cap ces dernières années. D’autres, parfois encouragées par des investisseurs souhaitant assurer rapidement le retour de leur investissement, ont été rachetées par de grandes entreprises. Certaines technologies développées par des spin-offs sont d’ailleurs entrées dans notre quotidien, à l’image de l’assistant vocal Siri, repris par Apple.
La culture du risque
Le risque n’est clairement pas une évidence en Suisse. Mais les choses évoluent. L’expérience des grandes régions pépinières de start-ups comme la Silicon Valley, Boston ou Israël le montre: plus les succès sont nombreux, plus ils en engendrent. Les entrepreneurs qui ont réussi et qui sont restés dans la région entretiennent l’écosystème dans lequel ils ont grandi. «Il est d’ailleurs de plus en plus fréquent que les fondateurs de sociétés du campus en forte croissance en aident d’autres», constate Jean-Philippe Lallement, directeur de l’EPFL Innovation Park. Le responsable estime qu’il faudra encore 5 à 6 ans pour que des fonds d’investissement uniquement alimentés par des fondateurs de start-ups à succès de la région se créent. Le premier a vu récemment le jour à Zurich.
Entrepreneurs et professionnels du secteur sont unanimes: les investisseurs misent davantage sur un fondateur ou une équipe soudée que sur la technologie. Comme le souligne Deborah Heintze, cofondatrice de la scale-up Lunaphore, «notre atout majeur était la solidité de l’équipe. Pour preuve, nos investisseurs zurichois ont continué à nous suivre lorsque nous avons décidé, après quelques mois d’activité, de réorienter notre produit».
«Les décisions du début, surtout lorsqu’on est ingénieur et qu’on apprend les ficelles du métier d’entrepreneur, ne sont pas forcément les bonnes», note Jordi Montserrat, directeur romand de l’organisation d’aide aux start-ups Venturelab. Créer une entreprise n’est évidemment pas une sinécure et il faut une profonde motivation. «L’équipe doit également être prête à ne faire que ça durant les cinq prochaines années», ajoute Patrick Thévoz, cofondateur de Flyability, l’un des leaders mondiaux des drones d’inspection pour l’intérieur.
L’étape cruciale de la levée de fonds
La recherche de fonds est toujours une étape cruciale et délicate pour l’entreprise. «Il y a la pression du cash-flow, il faut essuyer des refus, remettre en question son modèle d’affaires», se souvient l’entrepreneur. Un an a été nécessaire à Lunaphore, qui développe un système de détection rapide pour le cancer, pour trouver ces premiers fonds. Un laps de temps qui d’après Pedro Bados, fondateur de Nexthink (lire interview), ne devrait pas trop être dépassé avant d’entamer une remise en question sur son produit, son business plan ou la structure de l’équipe.
Le nombre d’investissements de plus de 10 millions de francs a nettement augmenté ces dernières années. Alors qu’on en comptait trois ou quatre sur le campus il y a 10 ans, on en dénombre une dizaine par an aujourd’hui. «L’argent disponible augmente, mais également le nombre de projets à financer», remarque Jean-Philippe Lallement.
La difficulté à trouver des fonds dépend aussi du domaine d’activité et surtout du montant recherché. Pour Nicolas Durand, CEO d’Abionic, scale-up de 50 employés active dans le medtech, le problème de la recherche de fonds est épineux et se poursuit tout au long du développement de la start-up tant les investissements sont importants, notamment pour mener des études cliniques. «Les soutiens sont excellents au démarrage. Mais une fois l’entreprise passée au stade de la scale-up, cela se complique et les aides sont encore un peu faible en Suisse. Aux USA, en Chine, à Singapour ou en France, les gouvernements s’impliquent bien davantage», regrette-t-il.
Apporter un produit sur le marché est déjà un succès
Si la phase de croissance rapide, façon start-up, se produit en général au démarrage, certaines entreprises passent cependant sur le tard à la vitesse supérieure, surfant sur la vague de nouvelles opportunités. La société Bluebotics par exemple, qui produit des systèmes d’exploitation pour les robots, a été fondée en 2001, mais elle a connu une phase d’expansion sans précédent ces dernières années, suite à la multiplication des tâches confiées aux robots grand public.
Plus globalement, de la vingtaine de spin-offs qui émergent chaque année des laboratoires de l’EPFL, 95% poursuivent leurs activités plus de 10 ans après leur création. La majorité poursuit donc sa route en tant que petite ou moyenne entreprise. «C’est déjà un succès lorsque l’entreprise parvient à apporter sur le marché de manière rentable ce qu’elle avait prévu de mettre au point et crée ainsi des emplois dans la région», souligne Jordi Montserrat, responsable du programme de soutien aux start-ups Venturelab.
- S’entourer d’une équipe soudée avec les mêmes perspectives. Aide à prendre les bonnes décisions et rassure les investisseurs.
- Engager les bonnes personnes. Investir dans les salaires pour engager quelques personnes qui ont de l’expérience. Cela a un effet multiplicateur pour le développement.
- Apprendre de l’expérience des autres entrepreneurs.
Fonds:
- Lever des fonds et investir tôt. Rester trop longtemps dans sa zone de confort empêche de se confronter réellement au monde des affaires.
- Avoir le courage de redéfinir son business plan si besoin. Et trouver des investisseurs qui comprennent cela.
- Trouver un bon avocat rapidement afin de négocier ensuite les contrats des actionnaires.
- Ne pas s’éterniser à vouloir lever des fonds, mais plutôt se remettre en question si cette étape dure plusieurs années. Normalement quelques propositions d’investissement devraient arriver assez rapidement.
- Au départ, multiplier les rencontres avec des investisseurs potentiels, écouter les retours, corriger le tir et ensuite passer au mode plus «agressif» pour décrocher rapidement le montant souhaité.
Prototype:
- Développer rapidement un prototype, même si le design n’est pas abouti, et le confronter aux avis extérieurs. Cela aide à démontrer la pertinence de la technologie et à se diriger dans la bonne direction